Jérôme Bonaparte 

Jérôme Bonaparte était le plus jeune des frères de Napoléon Ier, il était né le 9 novembre 1784 à Ajaccio. Lorsque la famille Bonaparte, restée attachée au parti de la France, fut, en 1793, forcée de quitter la Corse pour se réfugier sur le continent, Jérôme vécut d'abord à Toulon, La Valette puis Marseille auprès de sa mère. Ensuite il fit ses études au collège des Irlandais à Saint-Germain-en-Laye, au collège oratorien de Juilly et à l'institution Savouré de Paris.
jerome.jpg Nommé chasseur dans la Garde consulaire à l'été 1800, il eut une querelle avec le jeune frère du futur maréchal Davout. Il le provoqua en duel au bois de Vincennes, sans témoins. L'arme choisie était le pistolet avec feu à volonté et 25 balles à tirer. Jérôme reçut une balle au sternum qu'in ne put extraire. On la retrouva soixante ans plus tard, après sa mort !
A la suite de cette incartade Jérôme fut contraint de faire carrière dans la marine. Nommé aspirant il commença à servir sous l'amiral Ganteaume et participa à l'expédition qui devait se rendre en Egypte. Il était de retour en France en juillet 1801. Il prit part à l'expédition de Saint-Domingue, conduite par son beau-frère le général Leclerc et dont l'escadre était commandée par l'amiral Villaret-Joyeuse. Envoyé en Europe pour annoncer le succès des premières opérations, il regagna les Antilles sur le brick l'Epervier. Quelques temps plus tard, il prit le commandement de ce navire avec le grade de lieutenant de vaisseau.
Après la rupture de la paix d'Amiens, Jérôme ne put regagner l'Europe et se rendit aux Etats-Unis. Il y épousa le 24 décembre 1803 à Baltimore Elisabeth Patterson mais Napoléon Ier refusa de reconnaître cette union qu'il fit déclarer nulle en 1805, au retour de Jérôme en France.
Jérôme, resté un instant disgracié, fut envoyé à Alger pour réclamer du dey la libération des captifs génois, italiens et français qui se trouvaient dans les bagnes d'Alger. Sa mission exécutée, il fut promu capitaine de vaisseau et embarqua à Brest le 13 décembre 1805, à bord du Vétéran, navire de 74 canons, pour combattre les Anglais. Une tempête dispersa les bâtiments de l'escadre commandée par Willaumez et le Vétéran se trouva isolé. Regagnant la France, il enleva quelques bâtiments du convoi de Québec. Au large de la Bretagne, il fut chassé par plusieurs vaisseaux anglais et parvint à leur échapper en se jetant dans la baie de Concarneau en passant au travers des récifs. Après cet exploit, Jérôme fut accueilli avec enthousiasme par l'Empereur et regagna toutes ses faveurs : à 22 ans il fut nommé contre-amiral, grand-aigle de la Légion d'honneur et reconnu prince français.
Dès lors une nouvelle carrière commença pour Jérôme et abandonnant la marine, il fut nommé au commandement d'un corps de Bavarois, Badois et Wurtembergeois, le 6 octobre 1806. A la tête de ses soldats il fit preuve de beaucoup d'activité et fut promu général de division le 14 mars 1807. Nommé roi de Westphalie le 8 juillet 1807, il quitta le 9ème corps le 23 juillet suivant. Au mois d'août, le 22, il épousa à Paris Catherine de Wurtemberg et rejoignit Cassel, la capitale de son nouveau royaume, au mois de décembre 1807.
Si son comportement à la tête de son Etat peut être critiquable, il ne faut pas oublier qu'il n'avait que 23 ans lorsqu'il reçut la couronne ! Il était certes insouciant, friand de plaisirs et coureur de jupons mais son courage ne se démentit pas lors des campagnes qui virent le crépuscule de l'Empire. Forcé d'abandonner son royaume à la fin de l'année 1813, il se réfugia en Italie après la campagne de France.
A la nouvelle du retour de l'île d'Elbe, il trompa la vigilance des Autrichiens et s'embarqua à Naples pour gagner la France et se ranger sous les ordres de son frère. Nommé pair de France, lors de la campagne de Belgique Jérôme prit le commandement de la 6ème division du 2ème corps sous les ordres du général Reille. "Il faut vaincre ou se faire tuer" disait-il alors. Et c'est bien ce qui faillit se produire. Blessé deux fois en trois jours il se battit avec une grande vaillance et au soir de Waterloo l'Empereur lui dit avec adliration et affection qu'il l'avait connu trop tard...
Après la nouvelle abdication de Napoléon Ier, Jérôme retrouva sa femme dans le Wurtemberg. Son beau-père l'autorisa à porter le titre de comte de Montfort et il vécut un long exil en Allemagne, en Autriche et en Italie. En 1835 il perdit son épouse, qui lui avait montré beaucoup d'amour et de dévouement, et dont il eut trois enfants, Jérôme (1814-1847), Mathilde et Napoléon.
Depuis la révolution de 1830 il avait été question à plusieurs reprises de aire rapporter la loi qui frappait d'exil les membres de la famille Bonaparte. Jérôme entretenait des relations en ce sens avec Louis-Philippe et ses négociations auraient abouti plus tôt sans les échauffourées de Strasbourg et de Boulogne menées par Louis-Napoléon Bonaparte. Enfin, en 1847, Jérôme obtint de venir vivre à Paris et Louis-Philippe envisageait de le nommer pair de France et de lui attribuer une pension de 100 000 Francs de rente lorsque la monarchie fut renversée en février 1848.
Après avoir donné son adhésion à la République, Jérôme apporta son soutien à son neveu, Louis-Napoléon. Nommé gouverneur des Invalides le 23 décembre 1848, il vécut à Paris avec la marquise Bartolini. Elevé à la dignité de maréchal de France le 1er janvier 1850, lors du coup d'Etat du 2 décembre 1851, il se rangea spontanément aux côtés de son neveu et fut nommé sénateur puis président du Sénat. Reconnu prince du sang à la restauration de l'Empire, il fut honoré par Napoléon III, qui n'hésita pas à lui accorder une dotation de deux millions de Francs et à faire frapper à la Monnaie des pièces d'or à son effigie avec la légende : roi de Westphalie. En outre, l'Empereur désigna son oncle comme héritier au cas où il décéderait sans postérité.
Jérôme Bonaparte n'eut pas d'influence sur les affaires et ne prit part à aucun conflit sous le second Empire. Il mena une vie bourgeoise en profitant des largesses de son neveu. Il adorait le théatre et ne se lassait pas de faire des conquêtes féminines. Avec l'âge il ressembla de plus en plus à son frère, l'empereur Napoleon, et cela ajouta à la popularité dont il jouissait. C'était un beau vieillard, plein de distinction et d'une politesse exquise. Doux, bienveillant, affable, l'ancien roi de Westphalie avait les grandes manières d'un souverain d'un autre âge. Il décéda le 24 juin 1860 et ses obsèques furent célébrées le 3 juillet suivant en l'église des Invalides, où il repose encore à ce jour, dans la chapelle Saint-Jérôme.

D'après Ronald Zins, Les Maréchaux de Napoléon III, Ed. Horvath, Lyon, 1996. 

Édité le 12.08.2012